y a-t-il une vie de couple après le traumatisme ?
"Ça doit lui manquer, parfois, mais j'y renonce. C'est un effort physique de plus, comme tout ce que je fais…".
"Faire l'amour maintenant, c'est difficile, mais pas à cause de la chaise".
"Je ne peux plus prendre ma femme dans mes bras... je n'ai plus d'envie. C'est comme si je regardais ma femme avec d'autres yeux".
Au-delà de l'aspect dramatique des cas d'hypersexualité, ce qui apparaît le plus souvent dans les témoignages est la baisse du désir amoureux. Celle-ci a plusieurs causes :
● les séquelles physiques, qui peuvent aller jusqu'à l'hémiplégie, sont des altérations des fonctions de locomotion et/ou de préhension, liées à la diminution de la force musculaire et/ou de la coordination des mouvements ; elles sont accompagnées d'altérations des fonctions sensorielles, surtout visuelles, mais qui peuvent également se manifester par une perte de la sensibilité et, parfois, du goût et de l'odorat,
● enfin, l'intelligence du geste (praxie) est perturbée ou ralentie. Les personnes traumatisées sont maladroites ou hésitantes dans leurs mouvements.
Pour s'engager dans la relation amoureuse, le traumatisé doit "se repenser", "s'éprouver" différemment dans son corps et dans l'image qu'il donne à voir.
Dans le même temps, ses limitations physiques rendent difficile la spontanéité dans le rapport sexuel (besoin d'anticipation, de préparation).
Le manque de dialogue entre époux sur la question de la sexualité est à l'origine de souffrances silencieuses. L'expérience montre que les hommes et les femmes éprouvent un désarroi similaire, mais que les femmes sont plus à même de le reconnaître.
Les médecins devraient aller plus volontiers au-devant de ces problèmes, avec l'aide de psychologues et de sexologues. Mais le tabou et la gêne existent de ce côté aussi.
Comment les femmes se vivent-elles en tant que traumatisées ?
"Chez les femmes, le besoin s'exprime à mots couverts. Elles me disent : Je ne voudrais pas rester vierge. Elles voudraient se marier. Celles qui souhaitent satisfaire ce besoin y arrivent dans la mesure où elles ont une certaine autonomie, elles ont souvent un bébé que la famille élève. Plus touchée, l'une d'elles me disait : Je pleure, je pleure beaucoup, j'ai un corps de femme…"
La baisse de la libido est souvent à rattacher à un sentiment de perte d'attrait en tant que femme. Les limitations physiques, psychiques et les répercussions sur l'aspect font qu'elles se vivent confuses, frustrées, fatiguées, mises en échec dans leur rôle d'épouse et de mère. Elles se vivent comme un fardeau pour leur famille et abandonnent des activités qui faisaient leur qualité de vie : recevoir des amis, sortir, faire du shopping, avoir des activités sportives ou artistiques, etc.
Comment les hommes se vivent-ils en tant que traumatisés ?
"Chez les hommes, le besoin est plus direct. Tous expriment le désir d'avoir un rapport sexuel, ils regrettent de ne trouver aucune femme. Étant sous tutelle, ils n'ont pas d'argent. Quand ils ont de l'argent, ils se font refouler par les prostituées qui les prennent pour des marginaux. La plupart compensent en regardant du porno. Lorsqu'ils rencontrent une femme qui leur parle un peu, c'est pour lui "sauter dessus". Les conséquences sont le repli sur soi, la boisson et l'agressivité."
Les personnes traumatisées cérébrales sont très majoritairement des hommes jeunes. Leur comportement sexuel se calque sur celui de leur tranche d'âge. Ils vivent négativement les attitudes de rejet qu'ils rencontrent et recherchent des compensations ou des adaptations.
Comment le conjoint vit-il la situation ?
Hommes et femmes éprouvent le même désarroi, mais les femmes semblent le reconnaître plus facilement. Les stéréotypes sur les rôles respectifs de l'homme et de la femme dans le couple font que la conjointe vit parfois plus difficilement le "fardeau" de vivre avec un homme traumatisé.